Repenser la masculinité à l’ère de l’égalité
Un nombre croissant de voix s’inquiètent de l’état des jeunes hommes et des garçons. Les données sont préoccupantes. La réussite scolaire, la santé mentale, l’emploi et les liens sociaux sont tous en déclin. Et bien que certain·e·s aient tenté de blâmer le féminisme ou l’égalité des genres pour cette crise, soyons clairs : le progrès d’un groupe ne nécessite pas la régression d’un autre.
Il faut se rappeler que lorsqu’on a passé des millénaires au sommet de la pyramide, même quelques pas vers le milieu—pour permettre aux autres de s’élever—peuvent sembler être une perte catastrophique. Mais ce n’est pas le cas. C’est un réajustement. Et il est nécessaire.
Les données parlent d’elles-mêmes
- Santé mentale : Au Canada, 19 % des garçons âgés de 16 à 21 ans déclaraient avoir une mauvaise santé mentale en 2023, comparativement à 7 % en 2019. Aux États-Unis, les garçons sont plus susceptibles de recevoir un diagnostic de troubles du comportement et moins enclins à demander de l’aide.
- Suicide : Au Canada, 75 % des décès par suicide concernent des hommes. Aux États-Unis, les taux de suicide chez les jeunes hommes (15 à 24 ans) ont presque doublé depuis 1968—passant de 11 à 21 pour 100 000 habitants. Ce n’est pas qu’une statistique—c’est un appel à l’action.
- Éducation : Les garçons canadiens prennent du retard à l’école. ÉPS Canada (Éducation physique et santé) rapporte qu’ils sont plus susceptibles de décrocher et moins susceptibles d’obtenir leur diplôme dans les délais prévus. Aux États-Unis, seulement 83 % des garçons terminent leurs études secondaires à temps, contre 89 % des filles. Les femmes sont également plus nombreuses à s’inscrire au cégep ou à l’université, avec 66 % des jeunes diplômées qui poursuivent des études postsecondaires, contre seulement 57 % des hommes.
- Emploi et santé : Aux États-Unis, le taux de participation des hommes âgés de 25 à 54 ans au marché du travail est passé de 94 % en 1975 à 89 % aujourd’hui, tandis que celui des femmes est passé de 55 % à 78 %. Les hommes de 25 à 44 ans sont quatre fois plus susceptibles que les femmes du même âge de faire une crise cardiaque. Plus de 23 % des hommes canadiens de 18 à 34 ans déclarent avoir une consommation excessive d’alcool, souvent liée à des normes masculines dépassées.
- Relations et entrée dans l’âge adulte : 19 % des hommes âgés de 25 à 34 ans vivent encore chez leurs parents, contre 13 % des femmes. Les hommes sont plus nombreux à être célibataires et plusieurs disent se sentir perdus et peu valorisés.
Ce qu’il faut faire
Dans notre volonté légitime de lutter contre la marginalisation des filles et des femmes, nous n’avons pas accordé assez d’attention à la préparation des garçons pour un monde bien différent de celui de leurs pères et grands-pères. Les promesses qui leur ont été faites—explicitement ou implicitement—ne sont peut-être plus valables. L’ancien mode d’emploi ne fonctionne plus. Il faut en écrire un nouveau.
Soyons clairs : la solution n’est pas de revenir en arrière sur les modestes gains réalisés par les femmes et les groupes sous-représentés. Demander aux garçons et aux jeunes hommes de s’adapter à un monde plus inclusif n’est pas un prix trop élevé à payer—c’est le prix du progrès, et il profite à tout le monde.
Des solutions fondées sur des données probantes
Le Canada abrite plusieurs organisations et chercheur·euse·s à l’avant-garde de ces enjeux :
- Next Gen Men : Cette organisation aide les garçons à remettre en question les normes dépassées et à développer une masculinité plus saine. Elle forme les enseignant·e·s, les parents et les entraîneur·euse·s pour soutenir les garçons dans leur adolescence et leur développement émotionnel.
- ÉPS Canada : Leur rapport Thinkers 2024 propose des stratégies pour mieux soutenir les garçons en classe, en mettant l’accent sur l’empathie, la responsabilité et la résilience.
- Initiative de recherche sur la santé des garçons et des hommes (IRSBH) des IRSC : Avec plus de 15 M$ investis dans la recherche, cette initiative a produit des ressources comme HeadsUpGuys, une plateforme en ligne pour soutenir la santé mentale des hommes.
- Application JoyPop : Conçue pour aider les jeunes garçons—y compris les jeunes Autochtones—à développer leur résilience après un traumatisme, cette application est adaptée pour inclure des contenus culturellement pertinents.
Des expert·e·s comme Richard Reeves de l’American Institute for Boys and Men proposent plusieurs politiques sensibles au genre :
- Formation professionnelle : Le développement des écoles techniques secondaires profite grandement aux garçons, augmentant leurs taux de diplomation et leurs revenus.
- Enseignants masculins : Augmenter le nombre d’enseignants, notamment issus de communautés racisées, peut fournir des modèles positifs et favoriser l’engagement.
- Entrée scolaire différée : Retarder l’entrée des garçons à l’école d’un an pourrait combler des écarts de développement et améliorer leurs résultats.
Des organisations comme Promundo, BMAN (Boys Mentoring Advocacy Network) et MenEngage Alliance redéfinissent aussi la masculinité :
- Masculinité saine : Développer l’intelligence émotionnelle, l’empathie et le respect de tous les genres réduit la violence et améliore la santé mentale.
- Mentorat : Les garçons ayant un mentor sont 55 % plus susceptibles de poursuivre des études postsecondaires et 46 % moins susceptibles de consommer des drogues.
- Programmes éducatifs transformateurs : Des initiatives comme Manhood 2.0 et Programme H|M aident les garçons à remettre en question les normes néfastes et à bâtir une identité inclusive.
Un appel à l’action
Il faut investir dans les garçons, non pas pour restaurer une époque révolue, mais pour les aider à s’épanouir dans celle-ci. Bâtissons des systèmes qui soutiennent leur développement, remettent en question les normes dépassées et les préparent à un avenir où l’égalité n’est pas une menace, mais un objectif commun.
Chez Synclusiv, nous croyons que l’inclusion concerne tout le monde. Cela inclut les garçons et les jeunes hommes. Assurons-nous qu’ils ne soient pas laissés pour compte.
Sources: Statistique Canada, Instituts de recherche en santé du Canada, PHE Canada, Next Gen Men, Devon C. Rubenstein Foundation, NDTV, American Institute for Boys and Men, Boys Mentoring Advocacy Network, Advancing Learning and Innovation on Gender Norms.